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Rôti de hamster : une tradition française légendaire

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A Berlin, un serveur italien m’a appris l’existence d’une recette légendaire originaire de la Loire : le rôti de hamster. Info ou intox alimentaire?

Le serveur du restaurant italien Herr Rossi, dans le quartier de Prenzlauer Berg, m’entends parler français avec une amie de Paris, alors que nous nous gavons d’une sublime série de raviolis à la citrouille sauce sauge fraîche. Il nous alpague alors dans la langue de Molière, avec un accent et une gouaille digne de Robert Benigni, ne cessant de la ramener sur la supériorité de la gastronomie italienne pour nous faire tiquer.

Avez-vous déjà remarqué? Toute la planète se rit de nous autres, pauvres Français, accusés de faire de nos ventres un étendard politique. Mais merde, quoi : la gastronomie française n’est-elle pas devenue « patrimoine de l’Humanité » en novembre 2010? (Car oui, amis lecteurs du monde entier, la France a osé : elle a déposé une demande d’entrée au patrimoine mondial pour sa gastronomie, au comité intergouvernemental de l’Unesco réuni à Nairobi (Kenya). Cf l’article de RFI ici. Vous avez le droit de rigoler.)

Ce serveur ne laisse donc pas de me faire rire, je dois l’avouer. Il se trémousse tout en nous asticotant : le Pinot Grigio est meilleur que le Chablis, la ciabatta meilleure que la baguette, oui signora. Finalement, je lui demande où il a appris à parler un français aussi cyranesque.

« Ah, j’ai eu un chéri français, une bombe, mais il m’a brisé le cœur », réplique notre serveur en prenant des poses de Madame Bovary.  Il ajuste ses lunettes de vue sur son nez aquilin. « Mais avec lui, je ne mangeais que des sandwichs, on faisait l’amour tout le temps » (- on se marre. Tout le resto nous mate, mais personne ne parle français à part nous, c’est avantageux n’est-ce pas).

« Quand mon chéri m’a emmené chez sa grand-mère dans la Loire, je me suis dit : hmmm, enfin! La bonne cuisine française de mémé, faite maison, mijotée pendant des heures! Mais tu sais pas ce que j’ai bouffé, non?!! »

Le serveur, pris dans le feu de son histoire, pose les assiettes qu’il devait porter à la table voisine. Les clients font la gueule en voyant leurs mets refroidir.

« Tu vois, ces petits animaux, là, qui courent dans des roues? Les hamsters! Elle a pris un petit hamster, tout mignon, dans sa cage… » Il nous transperce du regard, instant suspendu. Ma pote et moi, on ne se doute de rien.

« … VIVANT! et Hop! » Il frappe du plat de la main sur la table, les verres valdinguent. « Elle l’a tué avec un couteau, là, devant moi! » Il porte ses mains à son visage, exprimant à nouveau l’horreur de cet instant passé. « Il y avait du sang partout! » ajoute-t-il en poussant un petit cri. Mon amie Sophie me regarde, bouche bée, et balbutie : « mais non… ce n’est pas possible… » Et lui de poursuivre, rongeant ses poings : « si! Et elle l’a fait rôtir! »

Cri d’horreur de Sophie et de moi-même. Non mais, c’est ignoble, tout de même – un hamster innocent, rôti comme une vulgaire dinde.

« Et avec quoi l’a-t-elle fait rôtir? » demandais-je, curieuse. « Avec des pommes de terre! » s’exclame le serveur d’une voix stridente, « la vieille m’a dit que c’est une spécialité française! ».

L’incrédulité se lit sur nos visages. C’est déjà difficile de se représenter une grand-mère de nos campagnes trucidant un cochon d’inde avec un couteau de boucher, mais imaginer qu’elle puisse le faire rôtir avec des patates, cela dépasse l’entendement, excusez-moi.

D’abord, un hamster est beaucoup trop petit pour être un plat familial, sa taille laissant à peine espérer une portion individuelle surgelée de chez Picard à glisser au micro-ondes pendant la pause-dèj de bureau. Ensuite, les pommes de terre rôties, en France, ça se mange avec du confit de canard, un carré d’agneau ou du poulet, à la rigueur avec une omelette dans sa version self-service de station de ski, mais certainement pas avec du rongeur. Sophie et moi sommes unanimes. Ce serveur se paie notre poire.

Mais ce bel Italien ne lâche pas le morceau. Alors que je règle l’addition, il me saisit le poignet avec force, et me dit : « eh, tu sais, ce n’est pas parce que je suis Italien que je suis un menteur, hein. Je te jure que c’est vrai. Sur la tête de la Madone! Et tu sais ce que ça veut dire pour nous, hein! »

Ouais, c’est ça**. Et nous, les Français, nous sommes les rois de la gastronomie.

*Restaurant Herr Rossi, Winsstraße 11, Berlin (Prenzlauer Berg)

** Un doute subsiste quand même… un de mes lecteurs aurait-il déjà mangé du hamster dans la Loire? Toutes informations bienvenues…

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Deux jeunes galeristes françaises à Berlin

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Voici un reportage que j’ai tourné pendant l’été 2010 pour le site Berlin is not for sale, qui malheureusement, n’a pas survécu à la dispersion de ses auteurs aux quatre coins de la planète (de Shangaï à New York…).

L’histoire culottée de ces deux Françaises de 23 ans, qui ont monté une galerie d’art-appartement à Berlin, sans aucun financement, me paraissait un sujet tout trouvé pour Mondoblog et pour Génération Berlin. J’avais tourné le reportage en anglais, je l’ai donc sous-titré pour vous, amis francophones.

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De la séduction à l’allemande

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Au pays de Goethe, la drague n’a pas la cote. Point de vue très personnel (et très vérifié) d’une Française élevée en son pays aux œillades et aux paroles fleuries, exilée chez les Barbares de la séduction.

La séduction est présente à chaque heure du jour en France, que vous achetiez une baguette ou que vous discutiez avec votre concierge. A Berlin, pas de détour! La séduction classique à la française reste incomprise des Allemands. J’avais un jour un faible mortel pour ce jeune et beau Berlinois, cinéaste aux lunettes d’écailles et au physique Alain Delonesque. Comme, après toutes mes tentatives de messages subtils, il restait naïf comme un enfant de dix ans, j’avais débarqué à une réunion de travail avec deux bouteilles de vin blanc et une tenue vraiment scandaleuse.

Une Française ne prend jamais l’initiative, même pas Béatrice Dalle. Donc, même en mode séduction maximale, nous restons dans une attitude de proie attendant d’être capturée. J’y vais de mon lot de compliments sur son travail, la finesse de son analyse du scénario, l’étendue de ses connaissances cinématographiques, etc. Je me passe dix fois la main dans les cheveux, je bois ses paroles, j’initie un côte-à-côte penchés sur l’ordinateur devant un tableau Excel inintéressant, histoire de dire, dans le langage de séduction latin : « je me fous complètement de ce budget, embrasse-moi idiot! »

Rien. Mon ego est très violenté. Je m’apprêtais à laisser tout tomber, lorsque le jeune Teuton, soudain emporté par l’ouverture de la deuxième bouteille de vin, déclare avec un sérieux fatal et sans bouger de sa chaise, sur laquelle il se tient droit comme un i, que je suis « la femme de ses rêves ».

Quoi?! Voilà une violation de plus aux règles de la séduction. On ne brûle pas les étapes comme cela, Monsieur l’Allemand! Cette fois, c’est moi qui suis paralysée. J’étais en train de jouer au petits chevaux avec un champion des échecs, en quelque sorte. Mat!

Je ne dis rien, attendant la suite logique de cette déclaration à l’emporte-pièce. Un baiser, un regard brûlant, que sais-je! Mais, de façon surprenante, le jeune homme s’emballe : « Les Allemandes sont tellement froides, elles ne prennent jamais soin d’elles, elles finissent par ressembler à des hommes, et elles se jettent sur toi comme si tu étais un objet. Si tu les regarde, elles croient que tu veux les violer. »

La faute au puritanisme luthérien, en Allemagne, les rapports entre hommes et femmes ne connaissent pas l’entre-deux : il y a le sexe d’un côté, et l’amour (le mariage) de l’autre. Pour une nuit, ou pour la vie. Le flirt à la française est considéré comme une perte de temps, voire, pire, comme un mensonge. Une femme ou un homme ne donnant pas de suite concrète à un jeu de séduction serait tout bêtement malhonnête.

Cette situation a bien entendu ses avantages. Parce que la séduction est quasi absente des relations entre hommes et femmes, les distinctions sexuelles sont aplanies, et les inégalités aussi. Ainsi, l’Allemand est, de manière générale, prompt à garder les enfants et à passer le balai, laissant l’Allemande s’occuper de sa carrière si elle le souhaite. Si Angela Merkel, la chancelière, peut faire l’objet de critiques sur la conduite de sa politique, elle ne sera jamais la cible des remarques sexistes dont les femmes publiques françaises souffrent quotidiennement. Les seuls qui critiquent la coiffure de la dame de fer allemande, ce sont bien les journaux hexagonaux.

Plus d’une fois, j’ai tenté de résoudre l’équation séduction à la Française contre crédibilité à l’Allemande. Mais ces comportements, qui se sont lentement et sûrement gravés dans nos gènes culturels, ne sauraient se laisser raisonner. En définitive, c’est la confrontation entre ces deux modes de pensée qui est intéressante. Autant dire qu’il est très amusant d’en rire ensemble, entre Allemands et Français, et de trouver un mode de communication commun.

Et puis, il y a des langages qui n’ont pas besoin de mots… Pour conclure : Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, faites l’amour, pas la guerre, et vous ferez avancez la compréhension entre vos peuples!

P.S. : Découvrez aussi la séduction à la péruvienne sur le blog de Christelle. Édifiant.

Photo : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, source archives RFI

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Yaoundé : Le paradoxe du chauffeur de taxi mutique

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Pas bavard, et en mode pilotage automatique : Robert, je l’appellerai ainsi par précaution pour son patron, est l’un des très nombreux chauffeurs de taxi qui sillonnent Yaoundé dans des voitures déglinguées, laissant échapper par la culasse d’âcres nuages noirs et manquant plus d’une fois d’écraser d’innocents enfants sur le chemin de l’école. Robert n’aime pas son métier, mais « il n’y a rien d’autre pour lui » ni pour sa femme et ses deux enfants. Interview lapidaire au milieu de la circulation éreintante de la capitale camerounaise.

En Allemagne, où je vis, et en France, d’où je viens, le chauffeur de taxi est une espèce bien connue des noctambules. Autant dire que j’en ai côtoyé un bon paquet dans ma jeune vie, glanant ici et là des informations sur la Turquie natale de mon conducteur, ou des jurons à l’encontre de nos dirigeants politiques « qui sont tous des pourris ». Les taximen camerounais, eux, ne mouftent pas. Je mourais donc d’envie de tirer les vers du nez à l’un d’entre eux.

Celui que j’ai alpagué ne voulait pas me raconter sa vie autour d’un jus de goyave pourtant naïvement offert de ma part – « c’est mon temps que vous me prenez, là!» – c’est donc dans le taxi que j’ai appris que mon interlocuteur estimait que la seule chose agréable de ce métier, « c’est que ça le fait manger ».

« Ça ne vous plaît pas, ce métier, sinon ? »

Un silence significatif suit ma question.

– Ne vous inquiétez pas, on peut changer votre nom dans l’interview, vous pouvez dire ce que vous voulez.

– Oui, changez.

– Robert, je vous appellerai Robert.

– Vous, vous vous appelez Robert ?

– Non, c’est vous, moi c’est Manon. C’est pour que votre patron ne sache rien de l’interview.

Voilà sept ans que Robert conduit ce taxi qu’il partage avec un autre chauffeur. «Je prends à quatorze heure et jusqu’à minuit. L’autre il fait le matin». La syntaxe de Robert laisse à désirer et son élocution est embrouillée. Normal : ses études se limitent à trois mois d’auto-école. Robert doit faire bouillir la marmite. Tout le reste est superflu. Son temps libre ? Il le passe à se reposer des clients épuisants, de la circulation étouffante, des embouteillages dans lesquels « il faut faire attention partout et tout le temps ». Recharger les batteries pour faire tourner le moteur, encore et encore.

Les taxis de Yaoundé sont collectifs. Grimpe qui veut si la direction proposée colle avec la route des autres passagers. Le tarif d’une course tourne autour des 200 francs CFA. Sept jours sur sept, le patron attend de Robert et de son collègue du matin qu’ils lui versent la recette – après quoi, il restera 5000 à 10.000 Francs CFA (entre 8 et 15 euros) pour le salaire de chaque employé. Les vendredi et samedi soir rapportent bien.

L’avantage d’avoir un patron, c’est que si la voiture se retrouve en panne, c’est le patron qui paie les réparations nécessaires. Et lorsqu’on voit l’état du taxi de Robert (portières défoncées, une vitre manquante, ceintures de sécurité en rade et poignées remplacées par des bouts de ficelle), c’est un atout non négligeable.

Robert transporte plus de cent clients par jour. « Tu prends les clients, tu les décharges, tu prends les clients, tu les décharges, tu peux pas vraiment compter le nombre de clients que t’as transportés ». Je comprends mieux pourquoi les chauffeurs de taxi camerounais se taisent au volant. Ils économisent leur salive et leur concentration, seul moyen de rester sauf dans la circulation chaotique de la capitale. Mais comment fait Robert ? me dis-je. Qu’est-ce qui anime cet homme laconique ?

– Quel est votre métier de rêve ?

– Moi ? C’est garagiste, c’est tôlier.

– Mécanicien ?

– Ouais.

– Vous pensez que vous allez y arriver ? A réaliser votre rêve ?

– J’y suis pas encore, mais oui.

– Vous arrivez à économiser sur le salaire ?

– Oui, oui.

– Il n’y a vraiment pas de côtés agréables dans ce boulot ?

– Non, c’est juste pour l’argent. On fait ça, c’est tout, c’est comme ça…

Tout chauffeur de taxi européen aime se vanter d’être libre, maître de ses horaires et du choix de ses clients – le taximan de chez moi est un amateur de radio poussée à plein volume, commente l’actu à tout bout de champ et aime décorer son véhicule de perles de bois qui massent le dos et autres gri-gri pendant au rétroviseur. La réalité de Yaoundé m’est apparue tout autre. La nécessité remplace l’orgueil du métier, le mutisme la logorrhée.

Cependant, lorsque vient le moment de faire une photo pour l’article, Robert se retourne vers moi, prend la pose, esquisse – ô miracle – un sourire. J’en prends plusieurs, même si c’est inutile. Je ne veux pas perdre cet instant de grâce – il me semble que Robert trouve de la fierté, finalement, à avoir été interviewé dans l’exercice de son travail.

P.S. : j’ai appris en faisant lire cet article au journaliste camerounais Emmanuel Mbédé que je me trompais sur toute la ligne. Au Cameroun, d’après lui, les taximen ont la langue très bien pendue. Ma couleur de peau les aurait intimidés…

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Berlin-Paris, Génération Easyjet

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La capitale allemande a des charmes que les compagnies low-cost ont bien compris. Pour environ 80 euros aller-retour, les touristes européens, jeunes et fêtards pour la plupart, envahissent désormais Berlin. Mais, et j’en suis l’une des représentantes, c’est surtout toute une génération de jeunes artistes qui viennent chercher ici la liberté qui leur manque à Paris, Londres ou Madrid. Au point de ne plus savoir sur quel pied danser, lorsque la réalité économique de la ville leur apparaît après des mois de deutsche dolce vita.

Laissez-moi vous raconter une folle histoire d’amour, la mienne. En 2001, j’étais en échange universitaire avec la Humboldt, une des grandes facultés de Berlin. Imaginez une Française de dix-neuf ans, ivre de liberté et de voyages, catapultée chez deux gays mangeurs de mangue qui passent leur vie à organiser des fêtes dans leur jacuzzi! 2001, c’était un peu encore les belles années de la techno, du LSD, des loyers à 300 Marks (150 euros!) dans les apparts délabrés de cent mètres carrés du quartier de Prenzlauer Berg. On se chauffait au charbon, on connaissait les voisins : le peintre, la danseuse, le vidéaste sans le sou avec son vieux clébard frisé. Je suis tombée amoureuse de cette ville.

En rentrant à Paris, dans ma chambre de bonne de sept mètres carrés envahie de cafards, je pleurais à chaudes larmes en regardant la silhouette moqueuse de la Tour Eiffel par ma fenêtre. A l’époque, on avait le choix entre Lufthansa et Air France pour faire un Paris-Berlin ; autant dire que mes moyens ne me le permettaient jamais.

Et puis avec l’âge, et l’indépendance financière, je suis allée retrouver mon vieil amour pour des escapades passionnées. Grâce à qui? Grâce à Easyjet, meilleur ami des passionnés de Berlin, qui venait de balancer sa bombe économique sur l’Europe en ouvrant des liaisons aériennes un peu partout.

En 2009, faisant fi de tout, je m’y suis installée. J’y ai vécu deux ans de bonheur, même si Berlin avait drôlement changé – plus aucun artiste n’a les moyens ni l’envie de vivre dans le quartier de Prenzlauer Berg devenu un Notting Hill à l’allemande. Mais la deutsche dolce vita est toujours là, avec ses bars pas chers, ses fêtes jusqu’à l’aube, ses galeries qui poussent comme des champignons, ses collectifs d’artistes rigolos… pour échapper à la gentrification, les Berlinois fauchés investissent les quartiers périphériques, et la fiesta continue.

2011 : me voilà brutalement confrontée à la réalité économique de Berlin après un licenciement abusif. A Paris, je touchais l’intermittence du spectacle, travaillant certes dur, mais vivant de mon métier. A Berlin, les artistes sont obligés d’accumuler les petits jobs (mon ami Thomas en a eu jusqu’à trois par jour) – vendeur, serveur, traducteur – pour pouvoir compenser la maigreur de leurs revenus. Ce n’est pas à Berlin qu’on touche 300 euros par jour pour jouer au théâtre, ce n’est pas à Berlin qu’on vend les toiles longuement préparées dans le secret de l’atelier, ce n’est pas ici non plus qu’un caméraman enchaînera les tournages.

Le revenu minimum n’existe pas en Allemagne, aggravant une situation économique déplorable à Berlin – serveuse à quatre euros de l’heure, vous serez souvent obligée de laisser vos pourboires à votre patron qui décrètera que « si vous n’êtes pas contente, il y en a quinze qui font la queue pour ce boulot ». Les professions libérales et les artistes sont forcés de s’assurer eux-même, puisque l’équivalent de notre Sécurité Sociale n’existe que pour les salariés dits de classe 1. Le coût d’une bonne couverture maladie à Berlin s’élève à 200 euros par mois. Difficile quand on en gagne 800.

C’est pourquoi j’ai pris la décision de retourner travailler en France, comme de très nombreux compatriotes rencontrés à Berlin. Pierre, un artiste plasticien de ma connaissance, a eu à ce sujet cette phrase édifiante : Tu vas faire comme nous tous, Manon : tu vas bosser à Paris, et claquer des thunes françaises à Berlin.

Entre la liberté de création de la capitale allemande, et la rigidité souvent étouffante mais plus lucrative de la Ville lumière, ma génération a donc choisi de s’en remettre à… Easyjet.

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Présidentielle française : Durringer monte au créneau

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Sarko et Cécilia? Oui et non : Podalydès et Pernel dans « La conquête » de X. Durringer

Impressionnante estocade cinématographique, La conquête de Xavier Durringer met en scène la montée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, et ce, à un an de la prochaine présidentielle. Une façon pour la Berlinoise que je suis de me replonger dans le bain français en révisant l’histoire d’une France… très proche.

Les critiques sont quasi unanimes : du point de vue filmique, La conquête n’est pas un grand moment de cinoche. « Compilation de coupures de presse, déjà lues et entendues » pour Metro et « davantage d’un exercice d’imitation que d’un vrai parti pris dramatique » pour 20 Minutes, « en termes de représentation, la Conquête n’oppose rien au cirque sarkoziste » selon Les Inrocks. Tous, également, encensent la performance d’acteur de Denis Podalydès dans la peau de Nicolas Sarkozy. Avec raison.

Denis Podalydès le caméléon, capable d’être Sartre, l’homme de gauche, aussi bien que notre Président ultra-libéral, c’est simplement la preuve que le cinéma français a encore du génie. Ne serait-ce que celui de certains de ses interprètes. Tout son jeu est travaillé avec la finesse d’une caricature légère.

Ce sont les détails bien connus du comportement de Sarkozy qui frappent, bien sûr. Ni les tics grandissant avec l’accession au pouvoir et les problèmes sentimentaux, ni sa démarche de petit taureau furieux, ni les accents de vulgarité qui donnent au Président sa mélodie populiste n’ont échappé au grand comédien.

Mais ce génie de la reconstitution est partagé par les autres acteurs du film. Florence Pernel est une Cécilia Sarkozy criante de ressemblance, Samuel Labarthe est méconnaissable en Dominique de Villepin, Bernard Le Coq fait un Chirac parfait.

Cette galerie de guignols (car évidemment, on pense aux Guignols de l’Info) est bien l’une des qualités cinématographiques les plus intéressantes de La Conquête. Car non seulement le public se divertit en reconnaissant les tics de la classe politique, mais il saisit immédiatement la distance avec laquelle Durringer a pensé son film. Oui, semble nous dire le réalisateur, vous connaissez ces histoires (Clearstream, l’abandon de Cécilia qui se tire avec l’homme d’affaires Richard Attias, etc.) mais regardons ensemble ce qu’elles ont de ridicule, de faux, de manipulé. Nous ne sommes pas devant Chirac, Sarko et Villepin ; nous regardons des marionnettes diriger la France, et ce sont des caricatures pleines de sens. Usage rarement réussi du stéréotype qui donne au film une touche fellinienne plutôt rafraîchissante.

Dommage, cependant, que la musique de Nicola Piovani fasse ouvertement référence aux accents circassiens des films du maître italien! A-t-on besoin de souligner à tout moment  l’aspect ridicule des médias suivant Sarko et Cécilia à vélo en vacances, ou Villepin en calbut à la plage, par une musique de piste aux étoiles? Le spectateur se lasse vite des redondances du point de vue de Durringer : ok, on a pigé, c’est du bidon, c’est de la comédie.

Le montage, lui aussi, se laisse aller à des facilités bizarres, des jump-cuts supra- réalistes qui n’ont rien à faire dans la ligne stylistique décidée par le film au départ. Mais peu importe.

Car la grande classe de La conquête, c’est de divertir le public en l’interpellant sur la comédie de la communication qui se joue dans les palais ministériels. La prouesse tient dans le fait que Durringer n’a pas attendu que la tête de Sarkozy soit tombée pour s’en emparer. Il s’expose bien sûr à des critiques compréhensibles. Parce que tout le film repose sur l’identification à son (anti-)héros (comme tous les films), on peut vite croire que le réalisateur en profite pour nous faire compatir avec les états d’âme du Président. Durringer, pro-Sarko? C’est un postulat un peu con. Autant dire que Chaplin soutenait Hitler parce qu’il a joué Adolf dans Le dictateur.

Ce que La conquête dit des réalités de l’industrie du film en France est intéressant. Il est donc possible d’avoir le culot de faire un long-métrage sur l’intimité d’un Président en fonctions et d’être financé par l’État français.

J’ai vu à la Berlinale, en février 2011, Qualunquemente de Giulio Manfredonia avec le célèbre comique italien Antonio Albanese. Ce film raconte la montée au pouvoir d’un mafieux un peu loufoque qui s’empare de la position de maire dans sa commune. Il s’agit évidemment d’un déguisement pour parler de Berlusconi avec forces boutades et méchancetés ridiculisantes. Soyons heureux que la France puisse s’offrir un film qui parle directement de son Guignol du moment. Même si ce n’est pas le plus grand film qui sera fait sur la question du pouvoir en France.

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Falbala chez les Goths

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Un mois sans billet sur mon blog. C’est de la flemme? Non, je suis juste « verwirrt », comme on dit en allemand : paumée! Je ne sais plus où j’habite – au sens propre comme au figuré. Entre saucissons et Currywursts, voici les problèmes d’identité d’une malheureuse blogueuse gauloise à Berlin.

Comme je vous le disais il y a quelques temps, la vie de bohème à Berlin, c’est ce qu’on fait de mieux sous nos cieux européens. Mais, comme je le soulignais à l’époque aussi, le problème, c’est que ça ne fait pas bouillir la potion magique!

Cela fait trois mois que je me promène entre Paris, ma ville natale, et Berlin, la ville de ma « renaissance ». A Berlin, je me marre, je fais des films, j’écris, je vois des amis, je me prélasse au froid soleil de Prusse. A Paris, je travaille âprement, je remplis mon compte en banque, je rends visite à mère-grand et hop, je reprends mon petit charter pour mes cieux teutons si cléments.

Le concept n’est pas mauvais. Mais voilà que je me mets à muter. A Paris, je suis trop berlinoise, et à Berlin, trop parisienne. Cela s’exprime sous diverses formes, toutes plus inquiétantes les unes que les autres.

La première, c’est la langue. Jadis, je me prenais pour Proust. Je ne supportais presque pas qu’on dise « week-end » (« vacancelles », par Toutatis! parlons français!). Je châtiais mon français comme pas deux. Maintenant, non seulement j’ai pris des accents titi parisiens bizarres, dus sans doute à la nostalgie de la ville natale, mais de surcroît je truffe mon phrasé de mots barbares. Par exemple : « Ma Hausverwaltung m’a encore balancé un SMS pour payer le Miete, mais ma Bankverbindung ne marche pas depuis la France. » (Mon proprio m’a encore envoyé un SMS parce que je n’ai pas payé mon loyer, mais je ne peux pas activer mon compte en banque depuis la France).

La seconde, c’est l’alimentation. Autrefois, à Berlin, je me faisais des soupes de légumes bio à n’en plus finir, que j’avalais avec des tranches de jambon bien allemand, comme une vraie Berlinoise. Ou alors, je me la jouais dîner français, genre rôti-purée avec une bouteille de rouge de chez nous. Maintenant, je mange des saucisses de Munich avec de la moutarde Maille. Je mets du cochon deutsch dans mon croissant du matin. Il m’est arrivé de mettre de l’eau dans mon verre de rosé de Provence, ô, sacrilège suprême!

Troisième forme inquiétante de mutation : le style vestimentaire. En fausse moumoute de vison dans les rues de Paris, j’ai l’air d’être une Marlene Dietrich de supermarché. En imperméable Burberry, une fine cigarette au bec et un bouquin dans la poche, c’est Catherine Deneuve shootée au Riesling qui se promène au pied de la porte de Brandebourg.

A Paris, je ne fréquente plus que l’Udo Bar où l’on passe de l’électro berlinoise, et à Berlin, je me la pète en terrasse du café Fleury, un croissant-café-crème sur la table devant moi… J’ai deux numéros de téléphone (un pour la France, un pour l’Allemagne), deux comptes en banque, deux adresses, deux amours : mon pays, et Berlin.

Et après, vous vous étonnez que je ne sache plus du tout quoi écrire sur ce blog? Mais que faire, chers amis lecteurs? Je suis super verwirrt.

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Gaston Lagaffe chez les donneurs de leçons

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Gaston : Belge, et pourtant si Français.

Après Falbala chez les Goths, voici Gaston Lagaffe au pays des donneurs de leçons. La morale allemande est un mystère que je n’ai jamais bien pu percer, et qui affecte aussi bien la façon dont on fait la vaisselle, que la manière dont Angela Merkel traite les grandes banques. En bonne Gauloise gaffeuse, je me fais régulièrement gourmander par les Berlinois.

On ne traverse pas quand le bonhomme est rouge, on ne fait pas la vaisselle à l’eau courante, on ne prend pas le métro sans ticket, on ne fume pas devant des enfants, on ne monte pas sur la table pour danser à la fin du dîner,

Fais pas ci fais pas ça
À dada prout prout cadet
À cheval sur mon bidet

comme dirait notre Monsieur Dutronc bien de chez nous. Berlin, c’est libre, c’est un courant d’air. On peut se promener à poil dans les rues ; ce n’est pas un délit puni par la loi comme c’est le cas en France, et c’est même une tradition que de bronzer nu dans les parcs : cela s’appelle le FKK (Frei Körper Kultur, « la culture du corps libre »). Vous êtes gay? Pas de souci, on se balade la main dans la main et on s’embrasse goulûment devant des parvis d’église luthériennes. Vous aimez faire vos courses au supermarché vêtu d’un costume de mousquetaire? Aucun problème, il n’y en aura même pas un pour rigoler dans la queue à la caisse. C’est l’un des traits les plus sympathiques de la vie berlinoise.

Et quand, en 2010, Angela Merkel décide de choper par le colback les voyous de la finance qui planquent leurs comptes en Suisse, en achetant aux banques la liste de leurs clients allemands, j’applaudis à tout rompre (indépendamment de ce que je pense de sa politique par ailleurs).

En revanche, malappris de Français, veillez à ne jamais oser traverser quand le petit bonhomme est rouge. Un pas de travers et vous vous ferez écraser par l’automobiliste ravi de pouvoir vous montrer que vous êtes dans votre tort. Car si vous traversez au rouge, en Allemagne, et qu’un conducteur décide de rouler soudainement à 100 à l’heure en pleine ville pour être certain de ne pas vous louper, c’est vous qui paierez les frais de réparation de sa carrosserie. J’ai peu brillamment abordé ce sujet l’an dernier en me prenant une amende de 100 euros (voir ici).

Après presque trois ans de vie berlinoise, je ne me fais toujours pas à cette étrange forme de civisme qui, si elle a d’excellents côtés, me paraît coulée dans un moule en fonte indestructible et inamovible.

Voilà que l’autre jour, j’étais à la Mieterverein (association de défense des locataires, cf mon article précédent) avec ma colocataire autrichienne, Jana. Celle-ci m’expliquait qu’elle achetait ses tickets de métro mensuels sur Ebay, parce que ceux qui sont vendus dans les automates sont hors de prix. Je glisse un tuyau à Jana :

Mais non, va au centre BVG (l’équivalent de la RATP), dis-leur que tu es étudiante et hop, tu paies 20 euros de moins.

Jana se réjouit vivement à cette nouvelle, mais une vieille Allemande à dreadlocks, collier de hippie autour du cou, nous interrompt :

Encore faut-il prouver que tu es étudiante!

Non mais, de quoi je me mêle? Je me retourne vers la hippie pas si babos, et je lui explique que, oui Madame la Présidente du Tribunal de Grande Instance, Jana est bel et bien étudiante et que je ne suis pas en train de lui donner la recette des faux billets de 500 euros. La hippie-kapo se confond en excuses. Et puis d’abord, c’est poli d’écouter les conversations des autres, peut-être?

Aujourd’hui même, j’enfourche mon vélo pour me rendre à un rendez-vous, lorsque la nuit tombe brutalement. Merde, me dis-je, ça y est, c’est l’hiver. Il fait nuit à 17h. Or, la lampe de mon vélo est cassée depuis hier, sans doute parce qu’un abruti a essayé de me voler mon fidèle destrier, avant de s’apercevoir que mon cadenas était une véritable forteresse. Bah, tant pis, je n’ai pas envie d’être en retard, et je décide de pédaler quand même. C’était sans compter sur la présence beckettienne d’un ivrogne qui me lança, dans un allemand trébuchant aromatisé à la bière :

Hé, toi, il est où ton phare, hein? C’est interdit de rouler sans lumières!

Je me serais indignée si je n’avais pas pris note, dans un fou rire, de la façon dont le bonhomme traversait la rue, c’est-à-dire en zigzag et hors des clous. L’hôpital qui se fout de la charité.

Voilà, chers amis lecteurs, grossièrement peint, le portrait du moralisateur allemand (je sens qu’une fois de plus, je vais me prendre des torpilles dans les commentaires). Mon beau-frère, un Grec ayant longtemps vécu à Constance, dans le sud de l’Allemagne, m’a un jour résumé son point de vue avec beaucoup d’esprit : « après toutes ces années vécues en Grèce et en Allemagne, je ne sais pas ce qui m’irrite le plus. Le bordélisme grec, ou la discipline allemande? »

Bonne question. Pour ce qui est du bordélisme grec, pour aujourd’hui, je passe. Je laisse à RFI le soin de vous informer des rebondissements de cet haletant feuilleton économique européen, ici.

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Carte blanche à un lecteur berlinois d’adoption

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(La bataille de Sedan, c’était il y a un siècle et demi. Franchement, on aimerait bien passer à autre chose. Non?)  

Depuis quelques temps, mon blog fait l’objet d’attaques hargneuses m’accusant alternativement, dans les commentaires, de francophobie et de germanophobie. Un de mes amis et plus fidèles lecteurs m’a envoyé ce mail de réaction à cette vague de haine, que je publie avec son accord. Frédéric est auteur, comédien et metteur en scène. Il vit entre les Alpes et Berlin depuis plusieurs années, quand il n’est pas sur les routes en Afrique pour projeter des films dans des villages reculés. Carte blanche en forme de réflexion sur le sentiment patriotique et européen.

manon,

je n’avais jamais vu une telle activité sur ton blog et c’est bien en un sens – aussi je me dis, holàlà, encore un article, génial
je lis ça avec plaisir et légèreté (il semble que ce soit le ton) et comme je t’ai dit, je me dis bien que si par exemple tu vas en boîte toute la nuit, écouter le vendeur de matelas-dj, il doit bien t’arriver d’autres trucs que ne dévoile pas le blog
jusque-là tout va bien
mais comme je trouvais les commentaires croustillants, au début, je vais les voir un peu chaque jour

depuis quelques temps, je suis un peu répugné à les lire et alors que je me disais que simplement, il pouvait y avoir des sentiments différents, il me semble que là, il y a des attaques répétées que je ne pense pas être le fait du hasard
qui donnent droit à des gens de s’exprimer qui, à mon avis, mériteraient une bonne fessée
d’où le fait que je ne préfère d’ailleurs pas intervenir car je risque de dégrader violemment le niveau des commentaires par des termes extrêmement durs car il se joue quelque chose de très grave en ce moment, je pense que ça dépasse ton blog

d’abord, sur notre cher site connexion française, voilà le nouvel édito que je te propose de lire – c’est court mais clair : http://www.connexion-francaise.com/pages/edito-novembre-2011
et moi qui suis du sud, mais qui ai vécu longtemps avec une norvégienne (13 ans), qui ai toujours été attiré par le nord de l’europe, qui suis protestant d’obédience (parpaillot), mais pur produit du fascisme latin (français à moitié italien, à moitié espagnol pour cause d’immigration), je vois ces commentaires d’un très mauvais œil
l’attaque sur ton côté bobo qui n’est pas à contester, ressemble étrangement à l’attaque contre le cosmopolitisme des villes… ça sous-entend, le mélange des races et la juiverie internationale (je traduis pour les néophytes) – le nationalisme n’est pas le patriotisme – dire « foutez le camp » et « c’est la faute des autres », ce n’est pas « j’aime mon pays » (deux notions différentes)
bref, je vais pas te refaire le discours, tu le connais – tu es une fille non seulement sexy mais intelligente

au début, je trouvais ça étonnant ces réactions – maintenant, je pense qu’il faudrait monter le ton
par le haut
l’intelligence
bien marquer aux fers ces gens en disant que tu ne peux laisser passer des propos xénophobes renversés – tu n’es pas germanophobe !!!! au contraire !!! c’est d’ailleurs peut-être le même qui écrit toujours et qui a décidé de te pourrir
tu as le droit de modérer ton site d’ailleurs

je te dis tout ça car je sais qu’en ce moment, entre cathos et protestants, sud et nord, moi qui fus toujours un fervent croyant de l’europe, quelque chose se joue et y’en a marre ! les cons, malheureusement, sont partout et les français travaillent autant que les allemands (même quelque fois je veux pas dire mais à berlin…) – il y a de la part des gouvernants une volonté de remonter les peuples européens les uns contre les autres car cela sert à justifier les tour de vis budgétaires en disant, il faut faire comme celui-ci ou celui-là

la pire des choses, mettre des techniciens soi-disant sans avis politique au pouvoir mais à la solde d’un libéralisme terrifiant – comprenons-nous bien, je ne rejette pas le capitalisme mais ses deux composantes idéologiques terrifiantes : libéralisme et communisme, issues des mêmes mensonges sur le travail, la plus-value industrielle, etc. – pour ceux qui doute que communisme et libéralisme sont les deux ailes d’un même papillon, je vous renvoie sur la chine – le capital par contre, c’est impossible de lutter contre et pourquoi d’ailleurs ? le problème, ce n’est pas le capital qui se forme de lui-même, c’est la répartition et là, on se fout de notre gueule car la crise, moi je peux te dire un truc, manon, ça n’existe pas – ce sont comme disent des méchants vieux monsieurs, comme des romans pour jeunes filles pour leur faire accroire à l’amour pour qu’elles soient tenues par un sentiment noble qui les empêchent de se vautrer dans la débauche sensuelle et plus si affinités – la crise c’est pour faire peur et les libéraux ne devraient pas trop faire peur et monter les peuples les uns contre les autres car ces grands veaux que nous sommes, au final, nous allons croire que les allemands sont tous tue-l’amour, les français des glandeurs, les italiens des voleurs, les grecs des tricheurs, les scandinaves très sérieux mais un peu froids, les gens de l’est des mafieux et les filles des putes, etc… non et non ! tout ça c’est faux ! c’est n’importe quoi ! pffff… quid de la personnalité ?

méfions-nous de faire peur au gens car après, ils le croient et sont prêts à suivre n’importe qui qui dit n’importe quoi – et par malheur, il n’y a qu’une seule chose qui permet de se sortir de ça, l’intelligence et la pensée complexe (la pensée, c’est physique, c’est biologique – je dis ça pour ceux qui aiment à tacler les « intellos »)

alors, il faut croire, avoir confiance que l’intelligence triomphera sinon… sinon ce sont les idiots qui ont la parole, et là, ne vous inquiétez pas, je serai le premier à foutre le camp – pas de problème, j’ai les moyens – on ira au fin fond du mali le temps qu’ils s’entretuent – là où le temps s’est arrêté

je me demande alors : les européens de l’ouest ont-ils jamais connu temps de paix aussi long ? est-ce que cet état de fait développe des comportements insoupçonnés comme par exemple le manque d’engagement politique, le manque de complexification pour une pensée simplifiée qu’on retrouve dans certains commentaires de ton blog ? et en art aussi, le manque de projet coupés-décalés ? ce long temps de paix, que change-t-il en nous en fait ? charles pégy dans « clio » parle assez bien de ce que la guerre fonde en l’individu… mais la paix ?

voilà, je voulais donc te dire que je te soutiens
même si j’avais pas le temps d’écrire ce matin mais en voyant le dernier commentaire, je suis parti en sucette

hasta siempre

frédéric aspisi

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Veiel ou l’autre cinéma allemand

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L’affiche du film « Wer wenn nicht wir » du cinéaste allemand Andres Veiel

Ennuyeux, lent, lourd, le cinéma allemand? Aux yeux de beaucoup Français, en tout cas. Si les cinéphiles se souviennent de Wenders avec des trémolos dans la voix (« il était tellement meilleur dans les années 80 ! ») ou de Fassbinder, le grand public ne connaît que le succès mérité de « La vie des autres ». Et l’Ecole dite Berlinoise, avec ses œuvres intellos, sèches et sombres n’a pas arrangé la réputation des films d’Outre-Rhin. Encore un peu méconnus du grand public gaulois, les excellents films documentaires d’Andres Veiel sont pourtant la preuve que le cinéma allemand est bien vivant. Rencontre avec le maestro à la FilmArche, l’école autogérée de cinéma de Berlin.

En ce soir de décembre, un froid noir d’encre règne sur la grande capitale allemande. C’est pour venir écouter Andres Veiel que les étudiants et cinéphiles berlinois ont bravé l’hiver et se sont amassés dans le foyer de la FilmArche, l’école autogérée de Berlin, avides de savoirs, d’expériences, d’anecdotes, bombardant le cinéaste de questions. Ils participent beaucoup, s’enthousiasme Veiel, presque ému, qui, généreusement, parlera ce soir-là trois heures sans réussir à raser son public.

C’est que Veiel, réalisateur bardé de décorations (Prix du Cinéma Européen, Prix du Cinéma Allemand, Prix Adolf Grimme à la Berlinale, Prix de la Critique Allemande et je m’arrête là parce qu’il y en a quarante autres derrière) est pourtant un électron libre du cinéma dont l’intellectualisme sans pose fait une icône pour les jeunes cinéphiles allemands.

Vigoureux, musicaux, passionnés, ses films agitent l’histoire allemande comme dans le très célèbre Black Box RFA, qui oppose un portrait d’activiste de la Fraction Armée Rouge (la Bande à Baader, comme on dit bêtement chez nous) à celui d’un banquier, victime supposée de l’autre, mort dans un attentat en 1989.

Ce documentaire, véritable bijou du genre, réussit le tour de force de ne prendre parti pour personne sans être neutre. C’est après vous être profondément ému devant le père du jeune terroriste perdant sa langue, s’embrouillant soudain, étouffé par les souvenirs douloureux et la stigmatisation sociale, que vous pleurerez discrètement avec l’épouse du banquier assassiné. Et la mise en scène soignée d’une caméra tournant autour des employés de ménage astiquant la grande banque allemande, ou d’un morceau de rock mélancoliquement enragé qui accompagne les images des banlieues laides de Francfort mettent à nu le fossé, immensément triste, entre deux générations d’Allemands. Il y a celle des années d’après-guerre qui rêve de prospérité et de transmettre un héritage bourgeois dont elle fut privée, et celle d’après, qui voit sa liberté ligotée et ses aspirations incomprises.

Après cet illustre film, Veiel le chercheur fou a mis au jour un célèbre livre portant le même nom, frustré qu’il était de ne pouvoir raconter toutes ses enquêtes au cinéma. En 2011, dix ans après Black Box RFA, Veiel continuait de gratter la poussière qui recouvre les vieux dossiers de la Fraction Armée Rouge en faisant naître sur les écrans de la Berlinale son premier film de fiction, présenté, pardon du peu, en compétition officielle. Ce fut Wer wenn nicht wir (If not us, who ?), la meilleure fiction que j’aie vue à ce jour sur les premières heures de la RAF.

Ainsi Andres Veiel, hélas trop peu connu en France, serait le moyen pour nous de mieux comprendre l’Allemagne. Nous, les Français donc, en sommes sottement restés à une image audiovisuelle d’Epinal ou plutôt d’Auschwitz de l’Histoire allemande, ponchour-Papa Schulz et arrrrrrrrrrtung-papier la grande vadrouille. Pathétique. Qu’attendent les distributeurs de films pour diffuser l’œuvre de Veiel plus largement en France et avec les honneurs qui sont dus à un cinéaste d’envergure ?

Et surtout pourquoi, dans les écoles, montre-t-on moult images des corps décharnés dans les camps, et les punitions internationales bien orchestrées des bourreaux nazis à Nuremberg et jamais rien d’autre – comme si l’histoire de notre grand pays voisin s’arrêtait en 1945 ?

Pourtant, Veiel aussi a abordé le sujet de la persécution des Juifs par l’Allemagne. Magnifique portrait d’une actrice juive âgée de 83 ans qui s’emporte contre le jeune réalisateur, lorsqu’il lui demande de raconter « sa » guerre. C’est des vieilles histoires tout ça, pourquoi se faire mal, pourquoi remuer tout ça. Il vaut mieux parler du futur, parler de la pièce de théâtre dans laquelle je joue maintenant. Pourquoi tu fais ça ?

Mais on peut aussi ne pas être féru de documentaire historique. Alors regardez et savourez Die Spielwütigen (Addicted to Acting), un film épatant sur quatre apprentis acteurs de l’école nationale de théâtre Ernst-Busch. Andres Veiel a suivi ces jeunes acteurs sur plus de six ans, depuis leur audition à l’école, le visage boutonneux à peine émergé de l’adolescence, à leurs premiers pas sur les grandes scènes nationales, le menton fier et le corps bâti par des années d’entraînement à la danse, l’escrime et les jeux épuisants de la scène. Qui peut ne pas être ému devant cette gamine maladroite qui joue à ses parents un cabaret dans leur salon de coiffure à dix-huit ans, et que l’on retrouve, svelte et passionnée, maîtresse de tous ses gestes, sur la grande scène du théâtre de Leipzig?

Le cinéma de Veiel, c’est un peu une autre idée de l’Allemagne, comme qui dirait dans une pub d’office du tourisme. Oui, parce que nous, les Grenouilles, les Frenchies, les Coqs bien ergotés, nous pensons que les Fritz, les Boches, les mangeurs de saucisses, en sont encore à détester les Juifs et à faire le salut nazi en rotant de la bière.

Le franco-allemand passera par le cinéma, qu’on se le dise, nom d’un petit apéro saucisson-vin rouge. Alors, au boulot, mesdames et messieurs les distributeurs, les cinémathéqueurs et les profs d’Histoire, montrez du Veiel aux enfants de la France.

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Icheu libeu diche!

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(Ayez la classe. Dites-lui « je t’aime » sans accent)

Un des symptômes les plus honteux que développent les Français à Berlin est celui-ci : une formelle incapacité à parler l’allemand au bout de quatre ans de « squat » dans la ville la plus cool d’Europe. Si vous en êtes, ne quittez pas cette page, on va vous soigner. Si vous n’en êtes pas, je vous félicite et vous conseille de rester un peu pour vous moquer gentiment des précités.

« Euh, iche meuchte, euh, Kartoffel, euh, nein euh ein Courriwourst mit Seife bitte ». (Euh, une patate, non euh « un » saucisse au savon s’il vous plaît).

Telle est la première phrase que votre humble servante a balbutiée lors de son arrivée en Allemagne, au fameux stand de chez Konnopke, le meilleur vendeur de saucisses au curry de la ville, déclenchant l’hilarité des vendeuses. Les charmantes me montrèrent la savonnette et me demandèrent, rigolardes, si c’était bien ce que je voulais sur ma saucisse. Devant ma confusion, elles rectifièrent:

Senf!

Oui, de la moutarde. Pas du savon (Seife).

L’allemand, c’est difficile. Cette façon de penser à l’envers, bon sang, d’aller vous coller les verbes à la fin et les adverbes en début de phrase, qui vous met vingt ans de grammaire bien apprise sens dessus dessous! Pour cette raison, beaucoup d’étrangers se contentent de venir investir Berlin sans se donner la peine d’apprendre la langue indigène.

Cette attitude agaçante est celle de presque toutes les populations non germanophones vivant dans la capitale, hormis les Scandinaves et les Néerlandais, ceux-là toujours prêts à parler huit langues sans la moindre trace d’accent. Mais honte aux Français, aux Américains, aux Anglais, aux Australiens, aux Grecs, aux Espagnols et aux Italiens : avec une mémoire génétique implacable, ils se replient sur leur patrimoine culturel, oubliant que l’intégration ne concerne pas que les Turcs ou les Vietnamiens.

Mon ami Dimitris, un Grec de New-York, a réussi à passer dix ans de sa vie dans la capitale allemande sans être fichu de commander au restaurant. Sa connaissance de la culture locale se réduisait à l’exploration du dessous des jupes des Allemandes (ce qui n’est pas toujours une mince affaire, cela dit). Il n’est pas difficile pour un anglophone de faire son chemin dans une ville aussi cosmopolite que Berlin sans parler l’allemand, si l’on s’en tient à la fréquentation assidue des clubs et des bars à la mode. Car le Berlinois de moins de soixante ans aime montrer qu’il parle l’anglais comme un chef, qu’il est moderne, ouvert sur l’étranger et qu’il a voyagé sac au dos en Californie.

Pourtant, apprendre l’allemand est indispensable pour qui veut s’installer durablement à Berlin. Pourquoi? Parce que vivre entre le pub anglais et la boîte techno dernier cri, ça ne remplit pas une vie. A moins d’être dealer de drogue bien sûr, ou d’envisager la prostitution comme un avenir radieux. Pour payer votre loyer, cher immigré français, va falloir vous y coller.

Pas de vrai job à Berlin sans maîtrise de la langue, aussi bien écrite que parlée. Pas de crédibilité face aux assurances maladies, aux agences pour l’emploi, aux syndics d’immeuble, ou même face à votre boulangère si vous n’êtes pas assez malins pour comprendre ce qu’ils vous disent.

D’autant plus que le Français ayant réussi à dompter la langue de Goethe se voit aussitôt récompensé. Son accent est déclaré « adorable » et lui confère plus d’aura que le martini à James Bond. Et ses efforts pour parler cette langue âpre, mais sophistiquée, l’élèvent au rang d’intellectuel brillant.

Pour apprendre, il y a plusieurs méthodes.

Prendre des cours d’allemand. Plus cher, mais efficace, surtout pour ceux qui n’aiment pas mal parler au début et préfèrent se préparer en cachette une grammaire du feu de dieu.

Partir en séjour d’intégration, la méthode quasi-carcérale que les indisciplinés choisiront ; toujours très efficace.

Tomber amoureux. C’est ce que j’ai fait, ça paie, mais ça peut se payer cher aussi! C’est la technique la plus risquée, parce qu’elle peut s’arrêter à mi-chemin en cas de désamour brutal d’une des deux parties.

Utiliser des méthodes audio, sans doute la moins efficace : je ne connais personne d’assez discipliné pour se forcer à ingurgiter de la grammaire, sans personne pour l’y obliger, après une nuit de fête ou une journée de boulot.

Et enfin, la plus aléatoire et la plus dangereuse pour la santé : ne parler allemand que lorsque vous êtes ivre. Je l’ai fait un peu, c’est très désinhibant, on ne se sent pas obligé de respecter la grammaire après plusieurs vodkas, mais il faut avoir quelques rudiments, tout de même.

Allez, au boulot. Vous me direz Danke, j’en suis sûre. Viel Erfolg! *

* Bonne chance!

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Vol au-dessus du souvenir

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A force de parler de Berlin la sexy et de Berlin l’underground, on en oublierait presque que la capitale allemande fut le théâtre de tragédies historiques et personnelles. C’est sur un vol entre Paris et Berlin que j’ai rencontré Monique, qui revenait dans sa ville natale après plus de soixante-dix ans d’exil en France.

Elle s’installe près de moi, voluptueuse vieille dame aux cheveux blancs et courts sentant l’eau de Cologne. La nuit d’avant, embarquée dans une fête parisienne par mon ami Auguste, je n’avais pu dormir que deux pauvres petites heures. Je n’étais donc pas prête à céder ma tranquillité aérienne et je me calais dans mon coussin de voyage appuyé contre le hublot.

Elle feuilletait les revues Air France, prenant un peu trop de place sur l’accoudoir, en commentant les looks de pétasse friquée qui s’étalaient sur les pages mode. Imaginez-moi regrettant d’avoir oublié mes boules Quiès en soute, le front plissé et râleur, envahie dans mon demi-sommeil par les images de la nuit dernière – en vrac, une jeune beauté à lunettes me déballant ses angoisses psy dignes de Woody Allen, un French lover en baskets de toile vert pomme empilant les blagues de drague et mon cher Auguste remplissant mon verre de vodka avec un sourire diabolique.

Lors du décollage, elle s’allongea presque sur moi pour tenter d’apercevoir le paysage par le hublot. Cela m’attendrit un peu ; habituée que je suis à prendre l’avion, j’en oublie parfois que la vision aérienne de notre beau plancher des vaches est un spectacle exceptionnel. Mais bien vite, Morphée fit valoir ses droits sur celui d’Icare et je replongeai dans un sommeil baveux, quasiment écrasée par cette grand-mère curieuse.

Notre héroïne crut bon de me pousser du coude à chaque passage d’un steward armé de son chariot à roulettes : est-ce que je voulais un verre d’eau? jeter mon gobelet? quelques crackers, peut-être? Il me fallut invoquer tous les dieux de la politesse pour ne pas répliquer par un grognement négatif.

Au bout d’un moment, le soleil vint me narguer violemment en plein visage et je baissai le volet du hublot. Malheur, c’était l’atterrissage et ma voisine se plaignit auprès de sa fille : elle ne voyait rien du tout. De mauvais grâce, je remontai le hublot et la petite dame recommença aussitôt son manège, s’étalant de tout son long sur mes genoux pour contempler Berlin qui se dessinait sous nos ailes.

C’est déjà Berlin, ici? me demanda-t-elle.

Elle avait un sourire doux, une face ronde et amène, des yeux bleus, pétillants. Je lui expliquai que c’était en tous cas le Brandebourg, le région qui entoure Berlin, et que nous survolions les lacs.

Et Schöneweide, c’est loin encore?

Oui, Schöneweide est à l’opposé, au sud-est de Berlin. Ici, nous sommes au nord.

Vous connaissez Schöneweide?

Je connaissais Schöneweide : une forêt merveilleuse, des arbres hauts, aux troncs serrés et élancés.

Je viens de Schöneweide, me dit la vieille dame.

Après plus de soixante-dix ans, elle revenait à Berlin. Elle était partie toute petite, sous les bombardements. Sans que sa mère sache où elle était, elle avait été embarquée de force dans ce train pour l’exil vers la France, une pancarte autour du cou précisant simplement son nom. Elle ne revit sa mère qu’en 1946.

Aujourd’hui, c’est sa fille qui la ramenait sur les lieux de son enfance perdue. Monique a désormais soixante-dix-huit ans et cela fait bien longtemps qu’elle est devenue française. Pourtant, un léger accent d’Outre-Rhin n’a pas quitté les intonations de sa voix. Elle me demanda à quoi ressemblait le quartier de Mitte, à quoi ressemblait Schöneweide.

Vous n’allez pas reconnaître grand-chose, lui fis-je doucement. Il va falloir vous accrocher.

Elle me regarda de ses yeux bleus, si jeunes dans ce visage ridé. Elle me fit un sourire doux, fouilla dans son sac et en retira un paquet de Kleenex. Brandissant un mouchoir, elle chuchota, un peu tremblante : ça va. Je suis armée.

Nous nous dîmes au-revoir et elle quitta l’avion avec une valise légère. Emue, je la regardai descendre l’escalier d’embarquement. Quand son pied toucha le sol allemand, elle dut s’appuyer sur sa fille, troublée. Et puis, après quelques instants, elle avança, courageusement, le nez levé vers le ciel natal.

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Petit cours d’oenologie pour Berlinois français

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Carte blanche à Lolita, blogueuse sur J’aime ton Wine

Le Français de Berlin a un devoir : se la péter en vin devant des Allemands médusés par son savoir, ses reniflements de pro et son vocabulaire qui fait mouche. Ma belle amie Lolita, avec qui je passe mes vacances, tient un blog magique sur le vin et la musique, « J’aime ton wine ». Lolita n’accorde pas pinard et mets comme tout le monde. Non, elle met au diapason ce qu’elle écoute et ce qu’elle boit avec une élégance toute française. Pour vous, gratos, ce cours d’oenologie übersnob qui va faire de vous le roi de Berlin au rayon jaja du Lidl. Carte blanche à Lolita sur Génération Berlin.

Le pinard, le vrai pinard ! Qu’en savons-nous ? Chacun ses goûts après tout, on ne va pas obliger les autres à boire ce qui nous fait vibrer. Sauf que le problème, c’est quand une bouteille est choisie, il faut qu’elle plaise à un maximum de personnes autour de la table, pas toujours simple d’accorder goût et couleur quand on est la seule spécialiste et que tous ont un mot à dire sur la question. Le Français connaît le vin mieux que les autres ? Pas sûr, et pour cela, il faut un œil et une oreille avertis pour les reconnaître.

Devenir spécialiste en 5 leçons.

Leçon n°1 : Qui goûte ?
On pense que celui qui doit goûter la bouteille fraîchement ouverte par le gentil serveur est forcément celui qui connait les cépages et tradition de vinification par cœur. Faux ! En fait, cette coutume est surtout pour s’assurer que le vin n’est pas bouchonné. Pour cela, pas besoin de goûter, il n’y a qu’à sentir… en plus c’est poli, on attend les autres pour la dégustation. Donc tendre son verre, sentir si on découvre une odeur de « bouchon vieux » ou « carton mouillé » au pire si l’on découvre une cassure lactique (odeur de yaourt, crème fraîche) on peut le faire remarquer, puis reposer son verre, approuver le vin. Chacun sera surpris que vous ne goûtiez pas et le patron du restaurant sera content que vous lui fassiez confiance dans la conservation de ses bouteilles. Quand chacun sera servi, on trinque doucement et on déguste enfin.

 

Leçon n°2 : Le choix.
Toujours ces cartes faramineuses dans lesquelles un novice se perd à coup sûr. Entre appellation, cépages, domaine, château, je vous comprends… Déjà, première sélection à faire si possible, la région. Par exemple, vous êtes en vacances dans le pays du Roussillon en amoureux ou en bande de copains, inutile de prendre le Haut-Médoc, les petits vins de région seront toujours plus acceptables que les grandes maisons (moins de transport, plus petit rendement, bio…). En plus c’est le moment parfait de faire mine que l’on connait de près ou de loin le village d’où vient la bouteille, de prendre une photo parce que les étiquettes on les collectionne sur son iphone et de lancer « Ah! les baies du sud avec tout ce soleil ! ». Si c’est la Loire ou la Bourgogne, facile, vous n’avez qu’à dire « Les embruns marins de l’océan ! » ou « L’altitude incroyable vers Saint-Amour ! » bref… le vin c’est de la poésie.

 

Leçon n°3 : Poésie ?
Oui, le vin c’est une poésie que l’on se doit de lire. Boire du vin sans faire attention ne serait-ce qu’une seconde à son écriture vous classe irrémédiablement dans la catégorie des incultes. Bon ou mauvais, le vin doit être respecté et le travail des vignerons aussi. Alors amusez-vous à trouver des mots qui puisse le décrire de façon non-conformiste. On oublie les phrases types style « La caudalie est longue, la jambe grasse et des reflets d’or… » on dira plutôt « Ce vin s’impose comme du caillou mouillé, j’en ai pleins la bouche, et cette couleur un vrai soleil ! » Autrement, il est aussi très simple de ne pas toujours mettre des mots sur ses sensations et simplement déguster en appréciant…

Leçon 4 : L’étiquette.
En cave à vin (uniquement ! Si on veut être un spécialiste, on oublie Nicolas, Intermarché ou Carrefour…) les bouteilles nous attirent principalement par leur étiquette. La mode veut que l’étiquette soit de plus en plus branchée bobo-bio, je ne saurais que vous y pousser aussi. Il faut savoir que les vignerons qui se connectent sur cette mouvance sont à la base de vrais paysans perdus au fond de leur montagne. Et que depuis une petite dizaine d’années ils s’informent sur les nouvelles tendances. Mais leur vin ne change pas, seulement l’étiquette ! et en s’affirmant à travers des motifs parfois rocambolesques, ils nous ont attrapé la pupille et on les a découverts. En tant que spécialiste, j’avoid direct tout ce qui est étiquette dorée, château et vigne en premier plan, « élevé en fut de chêne », « Bordeaux supérieur ». Supérieur, mon cul ! bien inférieur tout cela, c’est de la piquette pour papi et mamie.

 

Leçon n°5 : Le Bio c’est pas beau.
Bon le bio c’est bien, mais est-ce vraiment le must ? Non ! Le vigneron en certificat biologique est cerné par un Label et se retrouve contraint à toutes sortes d’interdictions parfois inutiles (plan de vignes espacé, interdiction d’utilisation de certains types d’engrais…) qui l’amène à ne plus pouvoir s’exprimer. Le label c’est du commerce finalement, avoir l’étiquette AB et vendre plus aux États-Unis… Des vignerons sont contre toutes ces idioties en devenant plus bio que bio, oui ça existe! On retrouve par exemple les vins en culture biodynamique (travail en fonction des planètes, de la lune et du calendrier des plantes), ou encore mieux les vins naturels (aucun ajout, travail en levure indigène uniquement). Bon il est vrai que les vins naturels ont beaucoup plus de chance de moins bien vieillir, d’avoir des piqûres, des défauts, mais au final que souhaitons-nous ? Boire du conservateur E220, ou du vrai fruit ?
Dernière chose, pour paraître bien en public ne pas oublier de réviser sa géographie du BETC c’est toujours mieux de savoir d’où vient la quille.

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L’amour version CECA

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Beau gosse à l’allemande, hélas mort depuis longtemps. (Karl Begas, « Autoportrait »)

La CECA, c’est l’amour du charbon et de l’acier, c’est aussi le mariage forcé de la France et de l’Allemagne. Le couple franco-allemand, qu’il s’agisse de Merkel et Hollande comme des pékins moyens des deux côtés du Rhin, est une chose presque contre nature. C’est bien pour ca que c’est sexy, et que votre blogueuse looseuse a tenté de résoudre l’équation plus d’une fois – en dépit de résultats souvent piteux

Oui oui, chers lecteurs, cela m’est arrivé plus d’une fois, de tomber en arrêt devant un bellâtre allemand. Ici une mèche déstructurée, là un air pâle et romantique, tout près une haute taille svelte et pleine d’allant, plus loin, un regard d’intello genre Rilke meets Goethe ; pour faire court, Berlin ne manque pas de beaux gosses (bonne nouvelle pour les immigrées récentes, hein?).

Je vous épargne les détails de la séduction entre la Gauloise et le Teuton. Ils sont croustillants, ridicules et pathétiques, mais je vous les ai déjà décrits en long et en large l’an dernier. Cette fois je souhaite m’attarder sur l’entreprise délicate que constitue tout couple franco-allemand.

1. « Vous les Francais, vous êtes accros au romantisme » vs. « Vous les Allemands, vous ne savez pas entretenir la flamme »

« T’es accro au romantisme » : voilà ce que j’ai entendu de la bouche de mon ancien bien-aimé  (à mèche déstructurée) dans l’affreuse ville de Francfort*, un jour de printemps. Il paraîtrait que nous sommes des harpies en demande d’attention perpétuelle, qu’il nous faut des mots doux tout le temps, des couronnes de fleurs et des promesses de neiges éternelles. Les Allemandes seraient bien plus raisonnables. Mon œil.Tout ça parce que j’avais osé réclamer un baiser dans le métro. (Sale type).

2. « Zusammen oder getrennt? » ou le supplice de l’addition au restaurant

Et pas qu’au restaurant. Au café, au bistro, en boîte de nuit. Il suffit que le serveur se ramène avec cette question pour que j’aie des sueurs froides. En France, on s’invite à tour de rôle (et encore, quand le jeune homme n’est pas susceptible). En Allemagne, c’est chacun pour son petit compte en banque. L’épreuve de l’addition est terrible : plusieurs fois, j’y ai laissé mon cœur, voyant que le Prinz Charmant hurlait « getrennt » (« on partage ») à la vue de la moindre machine à carte. L’Allemand, lui, comprend mal le principe de l’invitation à tour de rôle, et se sent régulièrement blousé.

3. Le phénomène du front bleu

C’est un charmant lecteur (français) qui m’a suggéré ce nom qui désigne le syndrome terrible de la Française se prenant la porte dans la gueule par son amoureux. La Française en effet n’a pas toujours le réflexe de survie de l’Allemande, qui consiste à rattraper lestement, sans le moindre soupir offensant pour le mâle impoli, une porte de dix tonnes qui se rabat sur elle avec la violence d’un char prussien, après avoir été ouverte par son petit ami qui, cela va sans dire, lui est filoutement passé devant. La galanterie est rare en Allemagne. Bien souvent, elle est considérée par les Germaines elle-mêmes comme la marque d’un affreux machisme. C’est ainsi que la Française, qui, elle, se fout de l’égalité sexuelle au niveau de la porte d’entrée, se retrouve avec le front marqué d’un hématome disgracieux. (Cela dit, mon nouveau Prinz, lui, me tient la porte et s’efface devant moi, du jamais vu ! Mais il adore le fromage et le saucisson, il y a du sang de cocorico chez ce garçon).

 4. L’amazone teutonne

Les histoires de lit sont plutôt étonnantes. Alors qu’en France, le mâle se croit souvent obligé de déployer sa force virile, l’Allemand, lui, aime bien se laisser chevaucher par son Amazone. Ce qui risque bien sûr de désarçonner la Française, qui n’est pas tout à fait habituée à ce qu’on lui file la télécommande et les manettes. Et ce qui peut, donc, raser notre Allemand, évidemment, qui s’attend à une créativité de dingue de la part de la demoiselle – surtout qu’on lui a bien imprimé dans le crâne depuis la nuit des temps que la femme française était le comble de la sensualité. Sylvia Kristel est peut-être morte, mais Emmanuelle, elle, est impérissable.

Bref, rien de moins simple que l’amour version CECA. Pourtant, Madame Merkel semble s’acharner. Difficile de résister au charme de nos présidents frenchies. Non, je déconne.

Dans quelques années, peut-être (et si vous êtes sages), je vous raconterai comment on élève des enfants à la franco-allemande. Ça ne doit pas être une mince affaire, ça non plus.

 

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Medley des pires idées économiques allemandes

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Dans l’espoir que Mme Merkel ne souffle pas trop d’idées farfelues à notre François national…

Cela fait un mois que je suis en France pour raisons professionnelles. Il me suffit d’allumer la radio pour entendre, tous les jours, certains économistes et hommes et femmes politiques vanter le modèle économique allemand. Miss Merkel est venue tancer le gouvernement cocorico sur ses mauvaises notes. Chez beaucoup d’Allemands de ma connaissance s’est également répandue l’idée saugrenue que leur économie est en pleine forme.  Certes… mais à quel prix? Celui de la jeunesse sacrifiée, de nombreux salaires misérables sans revenu minimum, et d’une protection sociale qui laisse grandement à désirer.

Loin de moi l’envie de vous faire un billet économique. J’en serais bien incapable. Mais moi qui vis à Berlin, je suis navrée : je ne souhaite pas aux Français de connaître Hartz IV (l’équivalent allemand du RSA), ni le chaos des assurances maladies multiples et hors de prix, ni la médecine quasiment à deux vitesses, ni le minijob à 400 euros. Non, je ne souhaiterais même pas ça aux Suisses – qui pourtant le mériteraient, à force de planquer les dollars tachés de sang des pires mafias du monde. Lexique des mauvaises idées deutsch, à ne surtout pas reprendre par le nouveau gouvernement français.

Hartz IV

Probablement l’idée la plus nulle que des socialistes allemands aient jamais pu avoir. Hartz IV, c’est ce qui vous attend quand vous n’avez plus droit à rien, une sorte de RSA. Mais pour ça, il va vous falloir passer par les mains d’un service appelé Job Center et que pour ma part j’appellerai volontiers Humiliation Center. L’on vous y fait attendre debout, en file, sous le regard d’un cerbère, comme pour bien vous faire comprendre que, pauvre, vous êtes un criminel en germe.

Il vous faudra présenter vos extraits de compte tous les mois. Gare à vous si ce dernier montre une mention du genre « LE RESTAURANT MORITZ VOUS DIT MERCI! » Quoi, manant, vous avez osé aller au resto pour votre anniversaire au lieu de manger des raviolis Lidl? Gare à vous aussi si votre compte montre le moindre dépôt d’argent alors que vous êtes censé vous débrouiller avec les 400 euros du Hartz IV. Votre sœur vous a prêté cent euros? Planquez vite ça sous le matelas.

Autre horreur liée à Hartz IV : le job à 1 euro. Si vous refusez pour la troisième fois de prendre un boulot d’assistant en boucherie à Leipzig alors que vous êtes diplômé en informatique et vivez à Berlin, l’État peut vous forcer à travailler pour une foule de boîtes qui vous paieront… 1 euro de l’heure. Un peu comme dans un sweatshop en Malaysie, quoi.

En 2011, Hartz IV a été déclaré contraire à la Constitution allemande. Ce qui ne l’empêche pas d’être encore en vigueur.

Les caisses d’assurances maladie

Contrairement à la France, où l’on a sa sécu + une mutuelle, l’Allemagne dispose d’un double système d’assurance maladie : la publique et la privée. Les caisses publiques sont peu flexibles et plutôt destinées aux salariés en CDD ou CDI. Elles offrent une bonne couverture sociale. Assez chères au départ, elles sont sur le long terme moins coûteuses pour l’assuré. Les caisses privées sont plus souples, mais une fois que vous y avez été assuré, vous ne pourrez presque jamais plus retourner dans un système d’assurance publique. Les employeurs comme les salariés, les chômeurs et les free-lance en perdent leur latin.

Elles encouragent un système de santé à double vitesse. Les assurés privés obtiennent des rendez-vous beaucoup plus vite et plus tôt que les assurés du public.

Il est facile en France de montrer du doigt la dette de la santé publique :  dans l’ombre, les multiples caisses d’assurance maladie allemandes sont presque toutes en faillite ; mais atomisées, leurs dettes sont moins visibles.

Le minijob

L’un des plus grands scandales allemands, à mon avis. Comment un pays aussi civilisé que celui-ci peut-il volontairement sacrifier sa jeunesse avec le système du minijob? Le minijob permet aux entreprises de payer ses salariés 400 euros par mois, sans verser de charges sociales, celles-ci étant prises en charge par l’État, si vous êtes étudiant.

Malheureusement, le système du minijob peut être appliqué à n’importe quelle catégorie sociale. Nombre de jeunes gens sont obligés d’accepter ce job à 400 euros, même s’ils ne sont plus étudiants, tout simplement parce qu’il n’y a rien d’autre. Tenez-vous bien : dans ce cas, ils doivent payer leur sécu eux-mêmes. Et celle-ci oscille entre 200 et 300 euros par mois!

Les entreprises allemandes usent et abusent du minijob. Après des années de stage sous-payées, les jeunes diplômés doivent encore se taper l’humiliation du minijob. Parents, mettez la main à la poche si vous ne voulez pas voir vos enfants sombrer dans la dépression!

L’absence du revenu minimum

No comment. La simple évocation de l’absence de revenu minimum me fait bondir!

Il m’est arrivé de travailler avec une équipe dans laquelle des gardiens de musée, par exemple, étaient payés 4,50 euros de l’heure. Ils avaient tous plus de quarante-cinq ans, une expérience de plusieurs années dans le métier (sécurité des visiteurs, connaissance de plusieurs langues pour l’accueil des étrangers, connaissance des collections du musée, bases d’Histoire de l’Art…!!!) une famille à nourrir et ils faisaient des kilomètres en S-Bahn (équivalent du RER) pour venir travailler.

Cher François, cher Président français. N’écoute pas trop ceux qui te serinent que l’Allemagne se porte comme un charme. Les dépenses de santé, la protection des salariés et des chômeurs sont à mon avis indispensables à la cohésion sociale. On a tendance à l’oublier. On verra ce qui se passera quand il n’y aura même plus Hartz IV en Allemagne… Mister Hollande, si tu veux piocher dans les idées de Miss Merkel, je t’en supplie : ne va pas pêcher celles-là.

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Le kitsch à la deutsch : un scénario

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« Voll normal », perfection cinématographique du kitsch deutsch

Même si l’origine du kitsch est incertaine, on peut penser que le mot est allemand. Le kitsch est devenu de très bon ton chez les branchés berlinois, et la tradition du mauvais goût affirmé est longue chez les Germains, à en croire une certaine esthétique cinématographique et télévisuelle. Un ami allemand m’a forcée récemment à regarder « Voll normal », un film des nineties où le kitsch règne en maître. Eclairant

Scène d’hiver à Berlin. Un café cosy. Le haut-parleur diffuse du swing français des années vingt. Sur une délicieuse table basse triangulaire seventies, chinée aux puces de Mauerpark, un napperon en crochet fuschia disposé avec amour accueille un service de porcelaine à motifs psychédéliques. La lampe à abat-jour frangé jette une lumière doucement rosée sur les coussins brodés de têtes de yorkshires. 

Plan sur la neige, dehors, dans cette rue de Neukölln, à Berlin.

Par la porte vitrée entrent nos héros : CARA (Américaine, 25 ans) leggings en laine imprimés d’un motif de puzzle Ravensberger, pull en mohair acrylique bleu pâle des années 80, des flocons dans ses cheveux dirty blonde, collier en toc doré représentant un serpent (qui lui vient de sa grand-mère de Dresde), air blasé, nez rougi, joues fraîches, tatouage à tête d’indien Géronimo sur le poignet. JAKE (Canadien, 30 ans), moustache d’Astérix enneigée encadrant une mine également blasée, jean slim tie-and-dye faussement Ibiza, tatouage d’aigle royal sur le torse « I love Nirvana », chapka en lapin noire, ironiquement achetée chez les vendeurs de cochonneries post-soviétiques près du Mémorial du Mur de Berlin. Tous deux portent d’immenses lunettes de vue à monture moutarde. Ils s’assoient et commandent un « Omas Glühwein« , un vin chaud comme chez mémé.

Le kitsch, c’est tellement cool. Les Américains et les Canadiens croient trop souvent détenir le monopole du cheesy, du kitsch. Erreur. Le kitsch branché trouve ses origines dans la tradition deutsch, j’en suis persuadée.

Les origines du mot kitsch sont incertaines, mais pourraient fort bien être une déformation du verbe allemand « verkitschen«  qui signifie « brader ». Depuis Louis II de Bavière et son castelet qui inspira celui de Disney – ce qui n’est pas rien en termes de kitsch – l’Allemagne se montre novatrice dans ce domaine esthétique aujourd’hui si prisé des hipsters du monde entier.

Philipp, 23 ans, vient de Karlsruhe et a grandi avec le kitsch deutsch. Batteur de rock, il a eu l’honneur de jouer pour une chanteuse de Schlager Musik réputée, Nicole. Qu’est-ce que le Schlager ? C’est ce que vous entendez lorsque vous vous attablez au comptoir d’un de ces bars où l’on joue aux fléchettes et où la boule à facettes éclaire les bouteilles de Jägermeister à toute heure du jour. Le rythme est entraînant, façon fête foraine, et les paroles romantiques égrènent les désillusions des sexagénaires des quatre coins de l’Allemagne. A côté, Michel Sardou, c’est de la méga-gnognotte.

Philipp, donc, a des effigies en carton grandeur nature de stars du porno allemandes dans sa chambre, et rêve de lancer une série de T-Shirts ironiques à motifs issus de son film préféré, Voll normal. Il m’a forcée à le regarder.

Voll normal (« Complètement normal ») serait donc la genèse de la maîtrise du kitsch pour les jeunes Allemands. Nous avons grandi avec Les Bronzés ou Les Visiteurs, mais rien de tout cela ne peut arriver à la cheville du kitsch de Voll normal.  C’est l’histoire d’un abruti genre Forrest Gump, un vrai débile, mais en plus déconneur, qui rêve de se taper une star du porno appelée Gianna et a des problèmes avec des fans de tuning bodybuildés. Le personnage est joué par Tom Gerhardt, un acteur au talent douteux, dont le jeu est tellement artificiel qu’il en devient touchant. Le père du héros, joué par le même acteur (dont l’ego semble plutôt à l’aise avec lui-même), fantasme avec sa femme sur l’ouverture d’un club des amis du teckel.

L’esthétique du film est à la hauteur de nos attentes : pavillon de banlieue à Cologne, berger allemand, pétasse dodue en bikini léopard, voitures allemandes à foison, vieux portant un chapeau vert à plume de faisan, vieille en tablier fleuri criard et surtout, des litres et des litres de bière. Derrick meets Forrest Gump meets Les Bronzés. C’est un peu ça, Voll normal.

Imaginez à quel point cette expérience était troublante pour quelqu’un qui fait des études de cinéma, comme moi. J’avais sous les yeux l’origine même de l’humour de toute une génération de trentenaires branchouilles allemands. Blagues débiles, personnages unidimensionnels débiles, décor débile (le cinéma porno, le bowling, le resto de l’immigré grec du coin à Cologne), histoire complètement débile. Au bout d’un certain temps, vos neurones finissent par être vraiment excités par toute cette débilité. L’absence de distance comme parti-pris narratif fonctionne à plein régime et provoque une hilarité salvatrice. Si si. Je vous le jure. J’ai ri comme si j’avais mangé trois muffins à la marijuana. J’ai littéralement adoré.

Bref, pour comprendre ce qu’est le kitsch pur, le kitsch 100% authentique, regardez Voll normal. Le kitsch est deutsch, c’est sûr ! Oder ?

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Eloge de la queue

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Sven, le célèbre videur du club Berghain, à Berlin (Crédit photo Tip magazine)

« Moi, je ne fais pas la queue! » C’est une phrase que l’on entend souvent devant les boîtes de nuit berlinoises. Pour échapper à l’humiliation de devoir attendre comme un plébéien, certains fêtards s’abaissent à harceler des DJs de leurs connaissance ou, faute de mieux, la minette qui tient le vestiaire. Pourtant, la file d’attente d’un club peut être le lieu de rencontres magiques. Voici un petit conte de fées by night aux portes du Berghain

Ah, la guest-list! Son entrée réservée, ses physios plus gentils qu’avec la longue queue du commun des mortels, les petits airs entendus qu’on prend lorsqu’on s’approche du comptoir pour dire : « Manon, sur la liste de DJ Truc » et recevoir gracieusement son tampon sur le poignet avant de pénétrer dans l’antre sacrée… Cette impression d’être le roi du monde. La Gästeliste, la coke du clubber berlinois : c’est moi le meilleur. 

Mais n’avez-vous jamais vu ces gens qui se pressent dans la file de la guest-list en épelant leur noms trois fois, jurant qu’ils y sont bien malgré la mine perplexe de la caissière, égrenant des noms de DJs et de patrons de clubs en vain, tout ça pour échapper à l’attente prolétaire? Alors que dans la queue, peut-être, les attend, à leur insu, l’homme ou la femme de leur vie. Les pauvrets.

Il y six ans de ça, je n’habitais pas encore à Berlin, mais je connaissais bien la ville. Je m’étais payé un billet d’avion pour moi toute seule, dans le but d’aller voir une vieille copine allemande et glander dans les rues de ma capitale préférée. Dès mon arrivée, je me retrouve dans un bar de Friedrichshain avec Katrin et ses amis, buvant et riant à nos retrouvailles. Je rencontre à la table d’à côté des tourtereaux fort sympathiques, une Allemande et un Suédois, avec qui je discute pendant une heure. Lorsqu’il se lève, le jeune homme me tend la main : « Tu viens au Berghain avec nous? »

Je n’étais jamais allée au Berghain, mais la réputation légendaire du meilleur club techno d’Europe avait franchi le Rhin depuis longtemps. Mes pupilles frémissantes d’excitation consultent mes amis qui rejettent la proposition d’un geste de la main

Ah non, le Berghain, t’es folle, il faut faire la queue pendant deux heures… et puis on y serait pour quarante-huit heures… tu sais pas à quoi tu te prépares, Manon. 

Il n’en fallait pas plus pour attiser ma curiosité et je pris la main du Suédois qui ajouta

Attends, mes copains vont venir aussi.

Aussitôt, une bande de cinq Vikings superbes, assis à une table que je n’avais pas vue, se lève et commande un taxi. Cinq minutes plus tard, le temple électro se dresse devant moi dans son habit de béton, délicieusement terrifiant, orné de sa queue de trois cents mètres de long. Nous nous y insérons patiemment en buvant de la vodka achetée à l’épicerie.

Devant moi, un Français et son écharpe de cachemire rouge, borsalino sur la tête. Je le taquine : tu te prends pour Mitterrand? On entre dans une discussion amusée sur la politique française. L’un des Suédois (appelons-le Markus) intrigué demande des explications. Nous avons encore bien une heure d’attente devant nous. Markus enchaîne sur la littérature française, il s’y connaît – puis nous abordons la littérature allemande. Nous avançons à pas de souris, nous rapprochant lentement de Sven, le fameux cerbère aux mille tatouages tribaux qui garde l’entrée du temple.

Markus a tout lu. Il aime Hermann Hesse* passionnément et moi aussi. Dès que je cite un passage, Markus me saisit la main et tente de le réciter, les yeux fermés avec concentration, brûlant d’enthousiasme. Il se trompe de personnages, mélange les textes. On rit. Je le regarde éperdue – un jeune homme blond, grand, au sourire immense, aux yeux verts enflammés de passion. Rieur, provocateur, gentil et fou de littérature, comme moi. Trop beau pour être vrai.

Il est sans doute gay, ma pauvre Manon, me disais-je en mon for intérieur. Ma foi, tant pis pour l’amant, allons pour l’ami. Pourvu que cette queue ne finisse jamais. 

Bientôt la longue file d’attente, le cerbère, le François Mitterrand de pacotille et nos amis ont disparu de notre champ de vision ; il n’y a plus que Markus et moi, lancés comme des comètes dans les romans de Hesse, Narcisse et GoldmundSiddarthaLe loup des steppes ; et puis la musique, il faut parler de musique, et de cinéma et de peinture, et de la vie en Suède, en France, et de la vodka, et de Berlin.

Mais justement, c’est la fin de la queue. Nous sommes presque devant Sven le massif, celui qui renvoie d’un regard la moitié des clubbers dans les limbes de la nuit. Markus se tait et prend ma main. Je lève les yeux, il sourit. Il m’attire contre lui. Avant d’avoir pu comprendre qu’il était loin d’être homo, il m’embrasse avec fougue. Enlacés dans une étreinte que rien ne peut déranger, nous laissons passer les candidats à la nuit devant nous. Peu importe que nous devions rester toute la nuit sur ce parking moche. Il était Le loup des steppes et j’étais Hermine.

Lorsque nous nous détachons enfin l’un de l’autre pour reprendre notre souffle, nous croisons le regard de Sven. Dans sa veste de cuir, les épaules d’un rugbyman néo-zélandais, le visage de Maui impassible, carré comme une statue de l’Île de Pâques, il nous fait un geste de la main.

Allez, entrez, faites ça plutôt à l’intérieur, maugrée-t-il.

C’est la première et la dernière fois que j’ai entendu Sven parler. En six années de clubbing, l’homme mythique ne m’a plus jamais adressé la parole. Alors que nous passons devant lui, heureux, les joues rouges, je perçois une lueur amusée dans ses yeux. L’amour avait su toucher le redoutable videur du Berghain. 

Markus et moi avons dansé, bu et parlé toute la nuit, main dans la main. Plus tard il m’emmena chez lui, il venait de s’installer dans un ancien entrepôt frigorifique, dans un coin paumé qui allait devenir terriblement à la mode, Neukölln. Je suis restée une semaine chez lui, il n’y avait pas de cuisine, on mangeait des toasts pas toastés achetés au Lidl, pauvres et joyeux, il jouait de la guitare pour moi et on rêvait de voyager encore plus loin, ensemble, un jour. Il voulait écrire un roman, je voulais faire du cinéma. On a pris un bateau-mouche pour faire comme les touristes, ivres en plein milieu de l’après-midi juste pour rire, c’était la toute fin de l’été et Berlin était sublime, nouvelle et libre pour nous deux.

La vie vous rattrape toujours par le collet. J’ai dû rentrer à Paris pour travailler. Nous sommes restés en contact et puis, peu à peu, l’idylle est allée se tapir entre les pages du Loup des steppes, la réalité était entre nous. Mais comme toutes les belles histoires n’ont jamais de fin, j’ai revu Markus en juin dernier, après six ans. Vous connaissez le film Before Sunset? Voilà. Si ça vous dit, je vous raconterai la suite de cette aventure.

En conclusion : faites la queue, pas la guerre. 

* Hermann Hesse : écrivain allemand du début du vingtième siècle

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Hype parisienne vs. hype berlinoise

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unnamedHipster parisien en migration annuelle à Berlin (titre bidon donné à un dessin licence CC)

Voilà deux mois que je suis à Paris pour le boulot et que j’ai l’occasion d’observer la hype parisienne dans toute sa splendeur. La comparaison est inévitable : si les hipsters énervent tout le monde où qu’ils soient, au moins, la hype berlinoise ne vous donne pas envie de déménager à l’étranger. Le warum du comment en cinq points

1. Le vocabulaire

« Un bar ambiancé qui slame » – traduction, un bar à l’atmosphère particulière vraiment formidable. Achtung, j’ai mal aux oreilles. A Berlin, on dit « ein geiler Club », un club qui fait jouir. C’est vulgaire, c’est laid et un tantinet partouzeur, mais ça sonne mieux. Quant à l’expression « Je vais lui faire un petit Mohammed » pour dire « je vais le/la sauter », j’en ai des frissons d’horreur. Relents de racisme hype.

2. Les barbes (et ce qu’il y a autour de la barbe)

Les jeunes cools du dixième arrondissement ne sortiraient plus sans leur longue barbe, surmontée d’un chignon d’ « urban samurai », comme dit la publicité hipster de la marque Mac. Ces pileuses déclarations de virilité masquent en réalité une subordination à l’esprit de consommation courante. Car en lieu et place de samouraïs, nous avons bien affaire à de jeunes hommes modernes sans la moindre orientation politique et sans beaucoup d’idées sur le monde dans lequel ils vivent. Le hipster consomme, il ne pense pas. Il se coiffe comme tout le monde parce qu’il a peur d’être rejeté par Paris. Parce que Paris est méchante avec ses enfants.

A Berlin, certes, on croise des coiffures tartignoles – mais personne ne vous en veut d’avoir les cheveux jusqu’aux fesses couleur arc-en-ciel quand vous vous appelez Helmut et que vous êtes né en 1955. La différence, à Berlin, c’est justement qu’il est permis d’être différent. La barbe, quoi!*

3. L’arrogance

Le serveur parisien qui vous égrène l’ardoise du jour en regardant par la fenêtre, l’air de vous trouver con et mal habillé. Les videurs qui vous repoussent d’un petit geste de la main. Les branchés de la com’ qui vous demandent si vous arrivez à gagner votre vie en tant qu’ « artiste »… A Paris, l’arrogance est hype, tellement hype! A Berlin, si on fait la gueule, c’est parce qu’on est prussien. Mais on vous regarde droit dans les yeux et si on vous jette du club, c’est parce que vous avez vomi exprès sur la barmaid.

4. Les burgers

Restos de burgers, je vous hais. Avec vos devantures écrites à la fausse craie sur de la peinture ardoise, vos faux dessins cool et échevelés faits à la palette graphique, vos viandes bios du Poitou, vos frites maison et vos additions à 30 euros, vous êtes partout dans Paname. A Berlin, on mange des döners pour 3 euros. Les deux font grossir, que je sache. Depuis quand le burger est-il un mets si sublime qu’il puisse détrôner le confit de canard, hein?

5. Les clubs

Après des années de hype, les clubs berlinois restent les plus fun, ont la meilleure musique, les gens les plus sympatoches, les idées les plus farfelues. Le fameux renouveau de la nuit parisienne est encore réservé aux riches, et l’aspect faussement trash des soirées de Paname est parfumé à la javel. Le hispter berlinois, si mal coiffé soit-il, n’a pas peur de retrousser bobonne dans les gogues immondes d’une boîte en bordure de Ring. Le clubbing parisien a encore tout à apprendre des nuits d’outre-Rhin, de leur folie, de leur liberté, de leur noirceur.

Qu’on ne me fasse pas croire que le Silencio, par exemple, est un lieu où l’on se commet. On n’y met en péril que son compte en banque, sûrement pas ses préjugés, ses idéaux ou sa vision du monde. Prise de risque zéro, degré d’aventure zéro, rencontres tristes qui tournent autour du name-dropping et de l’élévation sociale : les nuits parisiennes sont plus belles en solitaire le lundi sous la pluie.

En conclusion…

Quel mal y a-t-il à être branché, à aimer le burger frais et la barbe touffue, me direz-vous? Rien, vous répondrais-je, moi qui adore ma robe éthique cousue par une handicapée estonienne en vrai coton de coquelicot, qui rêve de masser un boeuf à la bière Tsing-Tao et qui vit avec un homme des cavernes. Le problème, c’est la prétention, le léger mépris des autres et l’absence de réflexion sur ce qui est à la mode et ce que l’on consomme.

Aussi la hype berlinoise me semble-t-elle moins imbitable que la Parisienne. Mais je ne demande qu’à ce qu’on me prouve le contraire…

*L’auteur demande pardon pour la bassesse de cette plaisanterie

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Soli-Noël (ou une histoire d’indifférence dans le métro parisien)

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A Berlin, depuis plusieurs années, c’est la mode (bienheureuse) du « Soli » : Solicafé, Solidemo, Soliparty. Ce sont des manifestations de solidarité envers les sans-papiers, les sans-abris, les sans-culottes. Mais à Paris, en ce moment, règne l’indifférence la plus totale à l’égard du plus petit que soi, et Noël se déroule dans une frénésie de consommation qui défie toute logique en ces temps de crise perpétuelle. En témoigne cette histoire affreuse qui m’est arrivée dans le métro il y a deux jours

Je sortais du théâtre, à la station Gambetta à Paris, je voulais courir chez moi pour écrire, parce que je venais d’avoir une idée qui n’attendait pas et je me précipitai donc, comme une vraie Parisienne toujours pressée, dans les couloirs de la ligne 3.

Je m’aperçus soudain que la foule contournait un objet au milieu du quai. Dans les hurlements de sirène du train et les bruits de pas excités des voyageurs, je ne compris pas tout de suite quelle était cette forme qui barrait la route. En m’approchant (je courais, bien sûr) je reconnus un vieil homme à moitié allongé sur le sol, un grand sac plastique de supermarché près de lui. Les voyageurs l’évitaient en formant deux colonnes qui se jetaient en se bousculant dans les wagons.

J’allais en faire autant, lorsque l’idée subite me prit de me retourner pour contempler celui que tout le monde prenait pour un clochard tombé par ivrognerie. L’homme, vêtu d’une parka propre et d’un bonnet, tentait péniblement de se relever en s’appuyant sur ses coudes. Son visage était crispé de douleur. Le train allait partir, mais le spectacle était proprement insoutenable et je fis volte-face pour tendre la main au vieil homme. Il leva des yeux clairs sur moi :

Non non, vous allez rater votre train! 

Sur le quai, les voyageurs lançaient des regards furtifs dans notre direction. J’attrapai l’homme sous le bras malgré ses protestations. Il était trapu comme un petit taureau, un homme encore fort, mais apparemment incapable de se relever. Il souffrait en tentant de pousser sur ses jambes. Je réunissais toutes mes forces mais il était trop lourd pour moi seule.

Une femme d’une soixantaine d’années et sa fille s’approchèrent et le prirent sous l’autre bras. A nous trois, nous essayons de le relever. Autour de nous, des hommes s’étaient arrêtés et nous observaient avec des yeux de merlan frit.

Vous pourriez nous aider peut-être, les hommes, non ? s’écria la dame. 

Aussitôt, l’un des types intervint maladroitement en tentant de l’attraper par la taille. Tant bien que mal, le vieil homme se retrouva finalement sur ses jambes. Je l’emmenai vers les sièges du quai. Je le tenais sous le bras pour le porter un peu. Il saisit ma main et la serra avec une force étonnante. Une poigne de charpentier, une main large, épaisse et musclée.

Nous nous assîmes ensemble. Je tentai de comprendre où il avait mal. Il m’expliqua que c’était ses lombaires. Je voulais l’accompagner jusqu’à sa destination finale, mais il s’y refusa. Je lui demandai s’il avait mangé quelque chose aujourd’hui ; il secoua la tête mais refusa toutes mes offres d’argent et de nourriture.

Je ne cherche pas l’aumône, disait-il doucement. Il semblait tout étourdi. 

Je le menai dans le wagon lorsque le train arriva. Les gens s’écartèrent en nous voyant. Tous les regards étaient braqués sur nous. Deux jeunes Blacks cools poussèrent des cris de dégoût : ah mais putain qu’est-ce qu’il se passe, là? Je demandai à l’un d’eux de se lever pour permettre au vieil homme de s’assoir. Le jeune mec se leva en grommelant.

Le vieillard n’était pas ivre, il était malade. Il parlait avec cohérence mais épuisement. Il me dit qu’il était ancien militaire.

Huit ans de carrière dans l’armée et tout le monde se fout de nous. On nous laisse tomber. 

J’avais le coeur serré, je voulais connaître sa destination finale, mais il faisait semblant de ne plus s’en souvenir. Il m’assura qu’il savait où il allait. Je crois qu’il craignait que je ne découvre qu’il n’avait pas de logement, ou qu’il allait à la soupe populaire. Je devais changer de station, je le forçai à prendre un peu d’argent et sortis en lui serrant la main très fort. Il me remercia et juste avant que la porte ne se referme, il me dit qu’il n’en pouvait plus.

Ces derniers mots me laissèrent éberluée et bouleversée sur le quai. Je m’engageais dans le couloir qui menait vers la ligne 2 lorsqu’une femme d’environ quarante ans m’arrêta :

Il sort de l’hôpital Tenon ce monsieur, j’ai vu son bracelet! Moi, on m’a fait une ponction lombaire là-bas et on m’a fait sortir le jour même, j’ai fait un accident cardio-vasculaire juste après! C’est un hôpital qui se fout de ses patients! 

Je n’avais pas le temps de lui reprocher de ne pas me l’avoir dit plus tôt : je courais comme une dératée vers l’hôpital Tenon.

Arrivée à l’accueil, j’expliquai la situation aux agents. Je leur demandai de retrouver le nom de ce patient qu’ils avaient laissé sortir.

Ben on peut rien faire, Madame, rétorqua un jeune ahuri à lunettes. C’était à vous de nous l’amener.

Mais puisque je vous dis que je ne savais pas qu’il sortait de votre hôpital! Vous savez bien qui est admis ici et qui en sort, non? 

Non, répliqua l’idiot. Il a dû s’enfuir de toute façon.

Vous vous foutez de moi? criai-je, emportée par l’émotion. Cet homme peut à peine marcher! Un enfant de trois ans pourrait l’arrêter!

Les autres agents, une jeune femme et un jeune homme noir, regardaient par terre.

Bon, je vais appeler la police, dit le jeune homme noir, l’air très embarrassé.

Ils ne pourront rien faire, dit le jeune à lunettes. C’était à Madame de prendre ses responsabilités.

C’est MA responsabilité? vociférais-je.

Ouais, c’est votre responsabilité civile! hurla l’imbécile alors que je tournais les talons, furieuse.

Dans la rue,  je marchais échevelée et le coeur retourné. Ce n’était pas ma responsabilité civile, certes, mais j’aurais dû rester avec le vieil homme. J’aurais dû lui donner plus d’argent. J’aurais dû insister pour l’accompagner. Je n’aurais pas dû le laisser seul et démuni face à la foule qui le prenait pour un clochard et s’écartait de lui avec répugnance. 

Autour de moi, sur la place Gambetta, un sapin de Noël clignotait comme un con, déraciné de sa forêt pour le plaisir des yeux des sots, des méchants et de nous tous, qui nous affairons à acheter nos vains cadeaux à déballer sous un autre arbre promis à la benne aux ordures. Les guirlandes décoraient les rues, c’est la magie de Noël, la magie du capitalisme et de l’indifférence sociale, la magie du coeur qui se vide de sa substance pour n’être plus qu’un réceptacle à émotions pré-mâchées : on pleure devant un film de Disney, mais on n’est plus capable de s’émouvoir pour un vieil homme tombé dans le métro. 

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Ce « chez-moi » que j’appelle Berlin

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IMG_2309 Chez moi. Photo Manuela Morales Delano

En arrivant à la gare, Berlin m’a sauté au cou : te voilà! Elle m’embrassait comme une grand-mère lourde, indigne et tendre. Ma vieille tatouée, toute couverte des rides de l’Histoire, avançait sa poitrine vaste et douce – ici la coupole du Reichstag, là le Berliner Dom – pour y serrer mon coeur. Je me laissais bercer en aspirant l’air glacial par mes petits poumons contrits d’air parisien.

Enfin rentrée, pour quelques jours seulement. Cela faisait six mois que j’étais à Paris pour de multiples raisons, certaines plus tristes qu’heureuses.

Mon appartement, à Neukölln. J’ai posé mes valises dans le couloir. J’avais peur de ne pas reconnaître mes murs, l’odeur de ma cuisine, la patience de mes livres sur les rayons de la bibliothèque, attendant d’être lus par leur propriétaire depuis si longtemps.

Je me suis retournée vers mon amant, qui, de toute sa hauteur, me souriait largement dans sa barbe

It’s a fantastic place, dit-il dans sa langue, un appartement fantastique.

Puis j’ai fait trois pas dans le salon, large et blanc. La lampe que j’avais chinée en 2010 au marché aux puces de Wedding balançait sa tête seventies, placide, au-dessus du vieux canapé racheté à des copains français. La table de massage qui me sert de bureau était un peu poussiéreuse mais semblait attendre que je vienne passer une main tendre sur son capitonnage. Les deux fauteuils trouvés à la brocante de Frau Berger, en bas de chez moi, me tendaient leurs accoudoirs : viens t’assoir! Sur moi! Non, non, sur moi!

J’ouvrai la porte de ma chambre. Il faisait noir. La boule chinoise s’alluma doucement, comme d’elle-même, lentement, très lentement. Le lit surgit dans la nuit, éclatant de clarté, dans l’écrin de l’immense tapis persan qui recouvre le parquet blanc. Je m’y assis, mais je ne pus rester longtemps dans cette position, car la couette m’appelait ; je la saisis entre mes deux mains, je pris contre moi cette douce et informe chose de mes nuits. Je m’allongeai à demi, les pieds encore sur le tapis et les jambes pendant depuis la hauteur du lit. Mon amant vint alors m’enlever mes chaussures et s’allonger derrière moi.

Et alors que je posais ma tête contre son torse, nous vîmes un premier feu d’artifice éclater dans le ciel, par la large fenêtre qui fait face à mon lit.  C’était le 31 décembre, la Saint-Sylvestre.

J’étais chez moi. Moi qui avais cru que j’avais perdu mes racines le jour où mes parents ont vendu notre maison d’enfance, je ne m’étais pas rendu compte de ce que j’avais planté en m’installant à Berlin. Les graines d’une vie neuve. Berlin, chez moi. Alors, je me retournais vers mon amant et lui dis que s’il le souhaitait, ce chez-moi pourrait devenir chez lui.

Cette histoire est une fiction. Je l’ai rêvée entre chien et loup, ce matin. Je sais que c’est ainsi que les choses se passeront demain soir, quand je sortirai de la gare de Berlin Hauptbahnhof et que je rentrerai à la maison, à Neukölln.

Une belle et merveilleuse nouvelle année à tous mes lecteurs bien-aimés. Et bienvenue aux nouveaux Berlinois!

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